La Liberté

L’équipe de Suisse remise à sa place

Fessées par les Espagnoles, les Suissesses ont péché offensivement comme durant le reste du tournoi

Consultante à la RTS et internationale suisse
Consultante à la RTS et internationale suisse
Publié le 07.08.2023

Temps de lecture estimé : 7 minutes

Football » Auckland rime malheureusement avec Doha. Comme pour l’équipe de Murat Yakin face au Portugal, le huitième de finale de la Coupe du monde a tourné au cauchemar pour les Suissesses.

A l’Eden Park, dans le temple du rugby, devant 43 217 spectateurs, la Suisse s’est inclinée 5-1 face à l’Espagne. Menées déjà 4-1 à la pause, les joueuses d’Inka Grings ont été dépassées de la première à la dernière seconde par des adversaires qui avaient vraiment fait une impasse sur leur dernier match de poules face au Japon pour éviter de croiser le fer ce samedi avec la Norvège. Avec le recul, ce calcul s’est avéré bien judicieux, tant ce premier huitième de finale fut à sens unique.

Avec le double Ballon d’or Alexia Putellas sur le banc, la Roja a déroulé un football séduisant pour offrir un véritable récital. Toujours aussi timorée sur le plan offensif, la Suisse a toutefois eu le bonheur d’égaliser à la 11e minute sur un autogoal gag de Laia Codina. Mais comme lors de leurs deux derniers matches contre la Nouvelle-Zélande et la Norvège, sa production offensive fut proche du néant, si ce n’est une reprise de Meriame Terchoun à la 56e. C’est pourquoi elle ne mérite en aucune manière de figurer parmi les huit meilleures équipes au monde.

Globalement positif

Invaincue lors du tour préliminaire, Gaëlle Thalmann a, ainsi, concédé cinq buts pour sa 109e et dernière sélection. Malgré l’ampleur du score, la Fribourgeoise fut la meilleure Suissesse sur le terrain. Elle a multiplié les arrêts pour éviter que l’addition ne soit encore plus salée.

Avec cette élimination sans appel, le bilan de la Suisse lors de la deuxième Coupe du monde de son histoire ne peut être que globalement positif, pour reprendre une expression célèbre. L’objectif a été atteint avec cette qualification pour les huitièmes de finale. Seulement, on ne peut pas passer sous silence le manque chronique de tranchant dans les trente derniers mètres. «Nous avons vu que l’Espagne avait une classe de plus, avoue Ramona Bachmann. Nous n’avons pas pu appliquer sur le terrain le plan de jeu que nous voulions suivre. Il est clair que nous aurions dû peser davantage sur le plan offensif.»

Inka Grings a deux ans devant elle pour doter son équipe d’une véritable attaque. Lors de l’Euro à domicile en 2025, la Suisse ne pourra pas uniquement miser sur sa rigueur défensive pour traverser le tournoi. Une rigueur défensive qui a volé en éclats à Auckland, le jour où les Suissesses avaient rendez-vous avec la gloire. Murat Yakin et ses joueurs avaient vécu le même traumatisme le 6 décembre dernier face au Portugal. ATS

Suisse - Espagne 1-5

(1-4) Eden Park, Auckland: 43 217 spectateurs. Arbitre: Foster (WAL). Buts: 5e Aitana 0-1. 11e Codina (autogoal) 1-1. 17e Redondo 1-2. 36e Aitana 1-3. 45e Codina 1-4. 70e Hermoso 1-5.

Suisse: Thalmann; Aigbogun (46e Calligaris), Stierli, Maritz, Riesen (84e Marti); Sow (46e Terchoun), Wälti, Reuteler (46e Mauron); Piubel (75e Humm), Crnogorcevic, Bachmann.

Espagne: Cata Coll; Batlle, Paredes, Codina; Oihane; Aitana (77e Guerrero), Teresa (70e Perez), Hermoso (77e Putellas); Paralluelo (84e del Castillo), Esther (64e Navarro), Redondo.


Les tenantes du titre sorties dès les huitièmes

Pour la première fois au cours des 9 éditions de la Coupe du monde, l’équipe des USA repart sans médaille. Les doubles tenantes du titre ont été battues hier en 8es de finale par la Suède aux tirs au but. Après 120 minutes peu attrayantes, le score était toujours de 0 à 0. Mais la fin du match a été dramatique. Les Etats-Unis auraient pu forcer la décision à quatre reprises durant une séance à rebondissements. C’est alors que Lina Hurtig s’est avancée. Sur son envoi, Alyssa Naeher semblait avoir pu repousser le ballon. Mais la technologie de la ligne de but a fini par révéler, après d’interminables secondes, que le ballon avait franchi la ligne de but d’à peine plus d’un millimètre. ATS


Trois questions à Thaïs Hurni

A l’issue de cette élimination, quelle analyse portez-vous sur le parcours des Suissesses?

Il ne faut pas tout remettre en question. Il existe des axes d’amélioration: physiquement elles étaient prêtes, mais peut-être que mentalement, il y a encore une étape à franchir. Il faut aussi dire qu’Inka Grings a trouvé l’équipe il y a six mois, dans une mauvaise dynamique au niveau des résultats. Maintenant elle aura du temps.

La Suisse accueille l’Euro 2025 dans deux ans. Avec quelles ambitions?

Continuer à s’habituer à ces phases de qualification, viser haut en étant réalistes. La Suisse n’est pas au niveau des grandes nations comme l’Espagne ou, dans une certaine mesure, la France. Inka Grings a maintenant deux ans pour amener son système, tester des joueuses… Elle n’a pas de pression de savoir si son équipe participera à l’Euro, comme elle est qualifiée d’office. D’un certain côté, c’est positif. Il faut garder cette mixité jeunesse-expérience: certaines filles auront l’occasion d’avoir plus de responsabilités et de grandir à ce niveau-là.

Et également, une envie de bien faire?

Un rôle important à jouer dans la couverture de l’événement. En France et en Angleterre, les stades étaient pleins. Il faut promouvoir le tournoi au niveau régional et national. Les footballeuses passent autant de temps que les hommes à s’entraîner: elles méritent un vrai engouement. Romain Hediger


COMMENTAIRE

Malgré le score, un petit air de paradis

C’est dans le jardin d’Eden Park, devant 43 000 spectateurs, que l’épopée de Gaëlle Thalmann a trouvé son épilogue. Une défaite sans discussion, avec cinq buts dans la besace, les cinq premiers du tournoi, face à une nation que le Japon avait corrigée quatre jours plus tôt: est-ce donc ça le paradis?

Sûrement pas la fin rêvée. Mais en faisant abstraction du score, qui rappelle celui qui avait marqué ses débuts en équipe nationale le 17 juin 2007 en Suède (1-4), la gardienne fribourgeoise peut s’en aller croquer sa nouvelle vie luganaise à pleines dents, avec la certitude d’avoir réussi sa sortie… Et son tournoi, elle qui, par son intransigeance sur sa ligne, aura longtemps été l’arbre cachant le désert offensif de la Nati.

De cette 109e et dernière sélection, plus que cet arrêt spectaculaire à la 4e minute qui aurait dû permettre à la Suisse de tenir le 0-0 plus longtemps, il restera dans les mémoires les larmes ainsi que les longues accolades, que les caméras n’ont pas manqué d’immortaliser. Difficile de faire le deuil en un claquement de doigts de 20 ans de sport au plus haut niveau, dont 16 sous les drapeaux.

Partie prenante des quatre grands tournois féminins que le football suisse a connus, Gaëlle Thalmann a participé à son développement sur mais aussi en dehors des terrains, pour le compte de la fédération. Passée par 15 clubs à travers 5 pays de 2003 à aujourd’hui, elle peut mesurer mieux que personne le chemin déjà parcouru et celui qui attend les prochaines générations.

Ainsi s’est achevé aux antipodes, en huitièmes de finale de la Coupe du monde et sous les yeux de ses parents, le carnet de voyage d’une tête brûlée qu’elle n’a pas hésité à sacrifier, notamment durant l’Euro 2017 (trois points de suture). Autant d’aventures qui font de la Gruérienne de 37 ans le dernier rempart le plus capé de l’histoire du football helvétique, hommes et femmes confondus. Oubliez la rouste, voulez-vous? L’Eden Park avait bien un petit air de paradis pour «Gaga». Pierre Schouwey

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