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Le bras de fer continue

La Cour européenne des droits de l’homme se prononce aujourd’hui sur le cas Semenya

Depuis sa révélation en 2009, Caster Semenya a raflé deux titres olympiques et trois titres mondiaux. © Keystone-archives
Depuis sa révélation en 2009, Caster Semenya a raflé deux titres olympiques et trois titres mondiaux. © Keystone-archives
Publié le 11.07.2023

Temps de lecture estimé : 4 minutes

Athlétisme » Un nouvel épisode dans le dossier Caster Semenya: la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) se prononce aujourd’hui sur une demande de la Sud-Africaine, empêchée de participer à certaines courses parce qu’elle refuse un traitement pour faire baisser son taux de testostérone. Caster Semenya (32 ans) a déposé une requête contre la Suisse, dont la justice a confirmé en août 2020 que l’athlète hyperandrogène devait prendre un traitement hormonal pour s’aligner sur sa distance fétiche du 800 m. Ses avocats estiment que la justice suisse a «manqué à ses obligations de la protéger contre la violation de ses droits en vertu de la Convention européenne des droits de l’homme».

Caster Semenya se plaint ainsi auprès de la CEDH de violations de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme à son égard, notamment des articles 3 (interdiction des traitements inhumains ou dégradants), 8 (droit au respect de la vie privée), 14 (interdiction de la discrimination), 6 (droit à un procès équitable) et 13 (droit à un recours effectif).

Un seuil maximal

La sportive présente un excès naturel d’hormones sexuelles mâles. Elle mène depuis plus de dix ans un bras de fer avec la Fédération internationale (World Athletics, ex-IAAF). Expertises à l’appui, cette dernière a défini en avril 2018 un seuil maximal de testostérone (5 nanomoles par litre de sang) pour concourir avec les femmes sur des distances allant du 400 m au mile (1609 m), et englobant donc le 800 m où la Sud-Africaine excelle. La double championne olympique (2012, 2016) et triple championne du monde (2009, 2011 et 2017) a déjà perdu plusieurs recours. Le Tribunal fédéral avait notamment confirmé le 25 août 2020, au nom de «l’équité sportive», une précédente décision du Tribunal arbitral du sport (TAS) datant de 2019, validant donc la réglementation de World Athletics qui définit un seuil maximal de testostérone.

«Je suis très déçue par cet arrêt, mais je refuse de laisser World Athletics me droguer ou m’empêcher d’être qui je suis», avait alors réagi la Sud-Africaine, promettant de se battre «pour les droits humains des femmes athlètes, sur la piste et en dehors, jusqu’à ce que nous puissions courir aussi libres que nous sommes nées.» Cible dès ses premières apparitions de débats sur son apparence physique, interdite une première fois de compétition pendant 11 mois et contrainte de subir des «tests de féminité» restés secrets, Caster Semenya se bat depuis des années pour concourir sans traitement.

L’équité des compétitions

Le Conseil des droits de l’homme de l’ONU, lors d’une rare intrusion dans le monde du sport, lui avait apporté en 2019 un soutien unanime et désapprouvé la réglementation de World Athletics. Mais le Tribunal fédéral avait fait prévaloir «l’équité des compétitions» comme «principe cardinal du sport», au motif qu’un taux de testostérone comparable à celui des hommes confère aux athlètes féminines «un avantage insurmontable».

Depuis sa révélation en 2009, la jeune femme à la carrure musculeuse a raflé deux titres olympiques et trois titres mondiaux. Elle est devenue le porte-étendard des athlètes hyperandrogènes, au cœur d’une controverse opposant équité sportive et droit à la différence. A défaut de pouvoir courir sur sa distance préférée du 800 m, Caster Semenya a tenté de se reconvertir sur des courses plus longues, non concernées par le règlement sur l’hyperandrogénie de World Athletics. Elle y connaît toutefois beaucoup moins de réussite: elle a par exemple été éliminée dès les séries du 5000 m aux mondiaux à Eugene l’an dernier. Et elle n’avait pas réussi à se qualifier pour les JO de Tokyo sur la distance. ats/afp

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