La Liberté

La justice reste liée aux partis

La Suisse refuse sèchement le tirage au sort des juges, proposé par Adrian Gasser

Kim De Gottrau

Publié le 29.11.2021

Temps de lecture estimé : 3 minutes

Indépendance » L’initiative sur la justice, qui voulait que les juges fédéraux soient tirés au sort pour garantir leur indépendance, a été balayée sans surprise, avec 68% de non. Les opposants au texte soulignent la confiance du peuple envers le parlement et le système actuel, tandis que les partisans veulent voter à nouveau sur l’objet.

Son net rejet montre que la population est convaincue que le parlement élit les juges les plus représentatifs et les plus compétents, selon Philippe Bauer (plr, NE), pour le comité interpartis opposé au texte. Il est satisfait que la Suisse n’ait pas voulu se tourner vers un «projet pilote» basé sur le sort.

La justice fonctionne, les juges sont élus selon un certain nombre de critères représentatifs de notre société, a rappelé le conseiller aux Etats neuchâtelois. Et de répéter que la pratique montre que les magistrats laissent leur appartenance politique de côté une fois élus.

«Les tribunaux doivent refléter le peuple, il faut donc non seulement des compétences et des connaissances techniques juridiques, mais aussi de la personnalité», estime le conseiller national Beat Flach (pvl, AG) dans un communiqué de son parti. Etre membre d’un parti, c’est aussi affirmer des valeurs, ce qui peut servir de guide pour les juges, selon lui.

Citée dans un communiqué de son parti, la conseillère aux Etats Heidi Z’graggen (centre, UR) a, elle, relevé le fait que «l’élection des juges fédéraux par le parlement confère à la justice une grande légitimité démocratique».

Le conseiller national Matthias Aebischer (ps, BE), vice-président de la Commission judiciaire du parlement, a avancé que le texte, «beaucoup trop extrême», a certes mis en avant certaines lacunes dans la justice. Mais il ne résolvait pas les problèmes dans l’ensemble.

Réformes

L’initiative n’aurait pas résolu les lacunes existantes de manière convaincante, a abondé l’Association suisse des magistrats de l’ordre judiciaire (ASM), réagissant dans un communiqué.

Philippe Bauer a concédé que cette question d’affiliation aux partis des juges pourrait à l’avenir revenir sur la table du parlement. Pour mémoire, dans les deux Chambres, une minorité de gauche et de Vert’libéraux avait tenté en vain de proposer un contre-projet à l’initiative, pointant du doigt un besoin de réforme dans le domaine.

Revoir le financement des partis

Le système doit être amélioré au niveau des contributions de mandat que les juges paient aux partis, selon Matthias Aebischer. Pour ce faire, il faut revoir le financement des partis. Le Bernois envisage un système comme en Allemagne, où les partis sont financés par les pouvoirs publics. Un avis partagé par l’ASM, qui estime que ces contributions «ne semblent plus défendables sous cette forme».

Deuxième vote

Du côté des partisans, on annonce déjà un deuxième vote. Adrian Gasser, l’auteur de l’initiative, estime qu’il a été impossible d’informer la population sur les dysfonctionnements de la justice en si peu de temps. «Je ne suis pas déçu par le résultat, mais encore plus convaincu», a déclaré l’entrepreneur zougois. Il explique le rejet de son initiative entre autres par la soi-disant couverture médiatique négative et erronée de sa campagne et par la distribution précoce du bulletin d’informations de la Confédération.

«Cela a saboté la formation de l’opinion», a estimé M. Gasser. L’Etat et les partis politiques ne voulaient pas informer la population, selon lui. Il se dit convaincu de pouvoir sensibiliser le peuple «en deux ou trois ans». ATS

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