La Liberté

Ce n’est que partie remise

En s’inclinant contre Medvedev, Djokovic a raté l’occasion de remporter un 21e titre du grand chelem

Gilles Mauron

Publié le 14.09.2021

Temps de lecture estimé : 4 minutes

Tennis » Ce n’est que partie remise. Privé de grand chelem calendaire par Daniil Medvedev dimanche soir en finale de l’US Open, Novak Djokovic mettra peut-être du temps à se remettre de cet échec. Mais il saura rebondir pour aller cueillir, tôt ou tard, un 21e titre majeur. Certains esprits romantiques rêvent de voir le Serbe et ses éternels rivaux, Roger Federer et Rafael Nadal, s’arrêter tous à 20 trophées du grand chelem. Le Bâlois, à 40 ans, espère avant tout pouvoir faire des adieux dignes de son immense talent la saison prochaine. Et l’Espagnol (35 ans) a semblé pour la première fois à bout de souffle sur sa terre battue de Roland-Garros ce printemps, cédant en quatre sets devant Novak Djokovic en demi-finale.

Novak Djokovic semble en revanche, à 34 ans, en pleine possession de ses moyens physiques. Les courts en dur de Melbourne comme ceux de Flushing Meadows conviennent parfaitement à son tennis, qui lui a également permis de s’adjuger les trois dernières éditions de Wimbledon (2018, 2019, 2021) et de devenir le premier joueur de l’ère Open à s’adjuger au moins deux fois chaque titre majeur.

Un exploit déjà immense

Son échec de dimanche soir est terrible. La déception de Novak Djokovic doit être à la hauteur de l’immense chemin parcouru depuis l’Open d’Australie, où il avait facilement battu Daniil Medvedev en finale, jusqu’à son accession à la finale de l’US Open. Pour s’offrir l’opportunité unique de signer le grand chelem calendaire, il a dû gagner ses 27 premiers matches de l’année. Un exploit immense auquel il s’est mis à penser dès son sacre à Paris, où il fut mené deux sets à zéro par Stefanos Tsitsipas en finale. «La période était aussi très éprouvante émotionnellement, ces 5 ou 6 derniers mois, entre Roland-Garros, Wimbledon et les Jeux olympiques», a confié Novak Djokovic après sa défaite à New York.

Le Serbe a buté sur le dernier obstacle dimanche soir. Lourdement. Il a prouvé qu’il restait humain, malgré un mental hors norme qui seul peut lui avoir permis d’en arriver là. Comme aux JO de Tokyo, qu’il avait abordés avec le Golden Slam dans le viseur, il a failli, croulant sous le poids d’une pression intenable. Les larmes versées au dernier changement de côté en disent long sur sa détresse.

«L’émotion était si forte»

Mais l’amour que le public lui a enfin rendu va l’aider à panser ses plaies et à se reconstruire. «Le public m’a fait me sentir très spécial», a-t-il relevé, lui qui n’a que rarement bénéficié du soutien de spectateurs souvent plus enclins à soutenir notamment Roger Federer ou Rafael Nadal. L’émotion était si forte. C’est aussi fort que de gagner 21 tournois du grand chelem», a-t-il assuré.

«Je dois être fier de ce que j’ai accompli cette année», a su se réjouir Novak Djokovic, qui ne devra peut-être plus jamais gérer une telle pression. Il a tout loisir de se refaire une santé en vue de l’Open d’Australie, qu’il abordera certainement de manière bien plus relâchée. Et s’il devait à nouveau disputer un match avec un tel enjeu, cela signifierait qu’il serait sans conteste devenu le plus grand joueur de tous les temps. ats

résultat

New York. US Open. Quatrième levée du grand chelem (57,5 millions de dollars, dur). Finale du simple messieurs: Daniil Medvedev (RUS/2) bat Novak Djokovic (SRB/1) 6-4 6-4 6-4.


COMMENTAIRE

Moment de sincérité

La machine renvoyeuse de balles s’est arrêtée d’inlassablement renvoyer, le rouleau compresseur a cessé d’écraser menu. Soudain, il n’y avait plus rien à mesurer, à peser ni à calculer: le robot avait laissé la place à un illustre inconnu dont les fragilités avaient troué la carapace du guerrier né sous les bombes et avide de reconnaissance.

Dimanche à New York, le public a assisté à la mort d’un rêve mais à la naissance d’un homme que l’on soupçonnait de tout, sauf de faiblesse. Le temps d’une finale qui aurait dû lui permettre de rejoindre Donald Budge, Maureen Connolly, Rod Laver, Margaret Court et Steffi Graf dans les livres d’histoire, Novak Djokovic a prouvé que son cœur n’était pas en pierre et que dans ses veines ne coulait pas que du liquide lave-glace. En un mot, «Nole» a craqué. Sur la route vers le grand chelem calendaire, il s’est achoppé à la 28e et dernière marche, alors qu’il se disait que la 13e était la plus haute de toute. La 13e? Un choc face à Rafael Nadal sur la terre battue de Roland-Garros. Le défi ultime, en somme.

Dès lors, rien ni personne ne devait plus pouvoir arrêter Novak Djokovic, pour qui la chute, dimanche face à Daniil Medvedev, n’a été que plus dure. Rattrapé par l’enjeu et le poids de ses propres attentes, il a senti le sol se dérober sous ses pieds, ce qui est moins pénalisant pour un parapentiste que pour un tennisman sur le chemin vers l’éternité. Déboussolé, il s’en est remis à son plan B. Sauf que de plan B, il n’y avait pas, personne, pas même lui, ne s’improvisant serveur volleyeur en une nuit, aussi magique soit-elle.

Tempête dans un cerveau, brouhaha dans les tribunes qui exsudaient de le voir se révolter. Porté par ceux qui l’avaient si souvent hué par le passé, Novak Djokovic voulait mais ne pouvait pas. Adieu grand chelem, au revoir 21e titre majeur. En échange d’un moment de sincérité, «Nole» avait gagné l’amour unilatéral du public et s’était acheté une humanité. Personne ne lui en tiendra rigueur.

Pierre Salinas

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