La Liberté

Emil, 90 ans, toujours blagueur

Figure légendaire du patrimoine humoristique suisse, le Lucernois continue de monter sur scène

Publié le 13.01.2023

Temps de lecture estimé : 4 minutes

Humour » Malgré son âge qu’il ne fait pas, Emil Steinberger monte encore sur scène. Ce n’est que début novembre qu’il a achevé la tournée de son dernier programme en date, Emil schnädered (Emil jacasse). Honoré en septembre pour l’ensemble de son œuvre lors des Swiss Comedy Awards, il soulignait alors à quel point le rire est bon pour la santé. Il suffit de l’observer pour s’en persuader. «Je vais bien», nous confie Emil Steinberger juste avant son anniversaire. «Il m’est important de continuer à exprimer ma fibre créatrice et à réaliser de nouvelles idées malgré mes 90 ans.»

L’humoriste a montré qu’il pouvait aussi être sérieux, après l’invasion russe en Ukraine, lorsqu’il a signé en avril avec plus de 100 acteurs culturels suisses une lettre ouverte au Conseil fédéral. Ils y demandaient une «action résolue contre le financement de la guerre par la Suisse». Les déclarations politiques ne montent toutefois pas sur scène avec lui. Elles font partie de l’«Emil privé», précisait-il lors d’un récent entretien avec la télévision alémanique SRF.

Des PTT au graphisme

Emil Steinberger a découvert son amour pour la scène alors qu’il travaillait encore aux PTT. Il faisait alors partie d’une troupe de théâtre. En 1960, au grand dam de ses parents, il abandonne la sécurité de son emploi pour devenir graphiste.

Emil joue dans des ensembles de cabarettistes comme le Güggürüggüü (Cocorico). Puis suivent les premiers programmes en solo, encore écrits par son camarade d’école Armin Beeler et marqués par la politique locale: Emil und die 40 Räuber (Emil et les 40 voleurs), Emils Neid-Club (Club envieux d’Emil, jeu de mots avec l’anglais «nightclub») et Onkel Emils Hütte (La case de l’oncle Emil).

Le Lucernois joue alors dans la salle à manger d’un hôtel – il n’y avait pas de maison pour les petites scènes à Lucerne jusqu’à ce qu’il fonde en 1967 le Kleintheater, qui existe encore aujourd’hui. Sa première épouse, Maya, dirige la maison, dans laquelle se produisent également des stars internationales comme le clown Charlie Rivel ou l’acteur Gert Fröbe.

Au Kleintheater, l’humoriste perce à la fin des années 1960 avec Geschichten, die das Leben schrieb (Histoires que la vie écrit) et E wie Emil (E comme Emil). C’est le satiriste et chansonnier Franz Hohler qui l’encourage à écrire ses propres pièces.

Dans les années 1970, le personnage plutôt «Bünzli» (conformiste mesquin) d’Emil atteint une immense popularité. Grâce à lui, la Suisse alémanique se met à rire d’elle-même. En regardant récemment d’anciens numéros, il s’est lui-même étonné de tout ce qui lui était venu à l’esprit, comme il l’a déclaré à la SRF.

Emil existait sur disque, à la radio, à la télévision – et lors de fêtes de famille, lorsque des jeunes rejouaient un sketch populaire. En 1977, Emil fait une tournée en Suisse avec le cirque Knie. Il se produit alors aussi en Allemagne, y force son accent alémanique, et en Suisse romande, en parlant le «français fédéral». Il enchaîne plusieurs tournées à succès en Romandie.

Mais Emil Steinberger n’est pas seulement un cabarettiste. En tant qu’acteur, il joue en 1978 dans Les Faiseurs de Suisses de Rolf Lyssy, l’un des films suisses les plus populaires. A Lucerne, il est également entrepreneur culturel: outre le Kleintheater, il a fondé le cinéma Atelier et géré le cinéma Moderne. Il possède en outre son propre bureau de graphiste.

Pause et redépart

En 1987, le Lucernois met une première fois un terme à sa carrière à 54 ans, le succès et la notoriété ayant fini par l’étouffer. Il divorce de sa première femme, puis part, en 1993, vivre à New York, où il rencontre et épouse l’Allemande Niccel Kristuf.

En 1999, Emil et Niccel Steinberger s’installent à Montreux durant 15 ans, puis à Bâle depuis 2014. Surtout, l’humoriste remonte sur scène avec succès, soutenu par son épouse, devenue aussi son manager. Il a joué Drei Engel (Trois anges) 900 fois en 15 ans à partir de 1999, offert Lachzig (jeu de mots entre le «rire» et le chiffre 80) à son public à l’occasion de son 80e anniversaire. Plusieurs autres programmes ont suivi, jusqu’au récent Emil jacasse. Figure légendaire du patrimoine humoristique suisse, le Lucernois continue de faire rire. ATS

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