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Birmanie: nouveaux raids nocturnes des forces de sécurité à Rangoun

Un représentant local de la LND, Khin Maung Latt, 58 ans, a été tué samedi. "Battu puis emmené hors de son domicile, il n'a apparemment pas survécu au dur interrogatoire qu'il a subi", a déploré Tun Kyi, un ex-prisonnier politique. © KEYSTONE/EPA/NYEIN CHAN NAING
Un représentant local de la LND, Khin Maung Latt, 58 ans, a été tué samedi. "Battu puis emmené hors de son domicile, il n'a apparemment pas survécu au dur interrogatoire qu'il a subi", a déploré Tun Kyi, un ex-prisonnier politique. © KEYSTONE/EPA/NYEIN CHAN NAING


Publié le 07.03.2021


Les forces de sécurité birmanes se sont déployées dimanche à la nuit tombée dans plusieurs quartiers de Rangoun, la capitale économique. Cela après que des milliers de personnes, dont plusieurs ont été blessées, ont manifesté contre la junte dans la journée.

Des détonations ont été entendues dans la soirée, d'après des retransmissions diffusées sur les réseaux sociaux.

Samedi, des opérations de police nocturnes avaient déjà été effectuées, ciblant des responsables de la Ligue nationale pour la démocratie (LND), le parti d'Aung San Suu Kyi, renversée le 1er février par les militaires.

Représentant local de la LND tué

Un représentant local de la LND, Khin Maung Latt, 58 ans, avait alors été tué. "Battu puis emmené hors de son domicile, il n'a apparemment pas survécu au dur interrogatoire qu'il a subi", a déploré Tun Kyi, un ex-prisonnier politique.

Un autre responsable de ce parti, Maung Maung, était aussi visé, mais les forces de sécurité ne l'ont pas trouvé. Son frère a été "torturé car il n'y avait personne à arrêter", a raconté un ex-parlementaire de la LND.

"Haute trahison"

Les députés qui ne reconnaissent pas la légitimité du coup d'Etat et ont créé un comité pour représenter le gouvernement civil se rendent coupables de "haute trahison", un crime passible de la peine de mort ou de 22 ans de détention, ont averti dimanche les médias d'Etat.

Plus tôt dans la journée, l'armée et la police ont fait usage de gaz lacrymogène, de munitions en caoutchouc mais aussi de balles réelles pour disperser des rassemblements pro démocratie, d'après des témoignages recueillis par l'AFP.

Certains manifestants ont été blessés, en particulier à Rangoun, où un homme de 20 ans a eu l'oreille arrachée, selon des images diffusées sur les réseaux sociaux.

Secouristes touchés par des tirs

A Mandalay (centre), deux secouristes ont été touchés par des tirs; l'un a réussi à s'échapper, l'autre a été emmené par la police, d'après leur collègue Yan Naing. Une manifestante a également été blessée.

A une centaine de kilomètres de là, à Bagan, célèbre pour ses pagodes centenaires, un adolescent de 18 ans a reçu une balle en caoutchouc dans la mâchoire tandis qu'une femme a été atteinte à la jambe, a-t-on appris auprès des secouristes.

Pour une intensification de la grève

Malgré les menaces de la junte, des milliers de personnes ont manifesté dimanche dans le pays et des moines en robe safran ont organisé un grand sit-in à Mandalay.

La mobilisation doit se poursuivre lundi, les principaux syndicats s'étant prononcés en faveur d'une intensification de la grève générale "pour sauver la démocratie". "Le moment est venu d'agir. Nous appelons à (...) l'arrêt complet et prolongé de l'économie", ont écrit neuf syndicats dans un communiqué.

La grève, déclenchée dans les heures qui ont suivi le coup d'Etat, a déjà eu un impact important sur de nombreux secteurs de la fragile économie birmane, avec des banques incapables de fonctionner, des hôpitaux fermés et des bureaux ministériels vides.

Les fonctionnaires qui n'auront pas repris le travail lundi seront licenciés, a pour sa part averti la junte.

Plus de 50 morts

La peur est dans tous les esprits: plus de 50 personnes ont été tuées depuis le début de l'insurrection pacifique, dont, d'après l'ONU, au moins 38 mercredi, la journée la plus sanglante.

Les médias d'Etat nient toute implication de la police et de l'armée dans la mort de civils. Sollicitée, la junte n'a pas répondu aux requêtes de l'AFP.

Le Parti de l'union, de la solidarité et du développement (PUSD), soutenu par les militaires, participe aux attaques: des membres du mouvement ont tué vendredi un représentant local de la LND et un adolescent de 17 ans.

Fuite vers l'Inde

Responsables locaux, journalistes, militants, artistes: des centaines de personnes ont été interpellées depuis le 1er février. Face a la détérioration de la situation, des Birmans fuient.

Une cinquantaine, dont huit policiers qui refusaient de prendre part à la répression, ont gagné l'Inde voisine, à la frontière de laquelle une centaine d'autres sont encore massés.

Communauté internationale divisée

Les généraux ignorent les protestations de la communauté internationale, divisée sur la réponse à apporter. Le Conseil de sécurité de l'ONU n'a pas réussi vendredi à se mettre d'accord sur une déclaration commune.

Les Etats-Unis et l'UE ont annoncé des sanctions, mais des observateurs exhortent à mettre en place un embargo international sur les livraisons d'armes. La Chine et la Russie, alliées traditionnelles de la junte, ont elles refusé de condamner le putsch.

ats, afp

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