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Annie Ernaux reçoit le prix Nobel de littérature

L'écrivaine française Annie Ernaux a reçu jeudi le Prix Nobel de littérature. © KEYSTONE/DPA/HORST GALUSCHKA
L'écrivaine française Annie Ernaux a reçu jeudi le Prix Nobel de littérature. © KEYSTONE/DPA/HORST GALUSCHKA
Annie Ernaux a reçu le Prix Nobel 2022. © KEYSTONE/EPA/CATI CLADERA
Annie Ernaux a reçu le Prix Nobel 2022. © KEYSTONE/EPA/CATI CLADERA
Annie Ernaux a reçu le Prix Nobel 2022. © KEYSTONE/EPA/CATI CLADERA
Annie Ernaux a reçu le Prix Nobel 2022. © KEYSTONE/EPA/CATI CLADERA


Publié le 06.10.2022


Le prix Nobel de littérature est attribué jeudi à l'écrivaine française Annie Ernaux. Véritable icône féministe pour plusieurs générations, cette transfuge de classe se considère comme "une femme qui écrit, c'est tout".

Le nouveau Prix Nobel de littérature, la première Française sacrée par le plus prestigieux des prix littéraires, le reçoit huit ans après Patrick Modiano. Avec sa prose cristalline, Annie Ernaux, qui faisait depuis longtemps partie des favoris des cercles littéraires, a assuré que c'était pour elle une grande "surprise".

"Je considère que c'est un très grand honneur qu'on me fait et en même temps une grande responsabilité qu'on me donne en m'attribuant le prix Nobel", a réagi la lauréate auprès de la télévision suédoise SVT. "C'est-à-dire de témoigner (...) d'une forme de justesse, de justice, par rapport au monde", a-t-elle ajouté.

Annie Ernaux, 82 ans, reçoit ce Nobel "pour le courage et l'acuité clinique avec lesquels elle dévoile les racines, les aliénations et les restrictions collectives de la mémoire personnelle", a déclaré le secrétaire permanent de l'Académie, Mats Malm, lors de l'annonce du prix.

"Continuer le combat"

Lors d'une conférence de presse dans les locaux de son éditeur jeudi après-midi, Annie Ernaux a promis de "continuer le combat contre les injustices" sous toutes leurs formes. Elle a souligné l'importance renouvelée du combat féministe, dont le droit à l'avortement pour lequel elle se battra "jusqu'au dernier souffle". "Il ne me semble pas que nous serions, femmes, devenues l'égal en liberté et en pouvoir" des hommes, "il y a toujours cette domination", a-t-elle poursuivi.

Etre lue par les jeunes générations montre "que ce que j'écris est toujours vivant, qu'ils y trouvent un écho, c'est certainement de toutes les gratifications que je peux avoir en tant qu'écrivaine une des plus importantes", a-t-elle ajouté, confiant qu'elle avait encore "un livre en chantier".

La Française a présenté à Cannes en mai dernier à la Quinzaine des réalisateurs un montage d’archives super-huit assemblées par son fils, et sur lequel elle lit un texte évoquant les années 1970 et ses premiers livres. Son dernier livre "Le jeune homme" est paru début mai chez Gallimard.

Annie Ernaux fait son entrée en littérature en 1974 avec "Les armoires vides", un roman autobiographique. Finaliste du prestigieux prix Booker international en 2019, elle a obtenu le prix Renaudot pour un autre de ses ouvrages à caractère autobiographique, "La place" en1984.

Quitter le café-épicerie

Née en 1940, elle vit jusqu'à ses 18 ans dans le café-épicerie "sale, crado, moche, dégueulbif" de ses parents à Yvetot en Haute-Normandie. Elle va s'en extraire grâce à une agrégation de lettres modernes obtenue à force d'un travail intellectuel intense.

L'écriture devient un moyen d'atteindre et de dire avec authenticité l'expérience intime de sa condition féminine modelée par Simone de Beauvoir: son dépucelage raté dans "La Honte" (1997) puis dans "Mémoire de filles" (2018), son avortement illégal vécu en 1963 comme une émancipation sociale dans "L'Evénement" (2000), l'échec de son mariage dans "La femme gelée" (1981) ou encore son cancer du sein dans "L'usage de la photo" (2005).

Annie Ernaux, qui a écrit une vingtaine de récits, produit une radiographie de l'intimité d'une femme qui a évolué au gré des bouleversements de la société française depuis l'après-guerre.

Style clinique

"Dans son oeuvre, elle explore constamment l'expérience d'une vie marquée par de grandes disparités en matière de genre, de langue et de classe", a souligné l'académicien Anders Olsson. Son style clinique, dénué de tout lyrisme fait l'objet de nombreuses thèses.

"Annie Ernaux écrit, depuis 50 ans, le roman de la mémoire collective et intime de notre pays, a écrit le président français Emmanuel Macron sur Twitter. Sa voix est celle de la liberté des femmes et des oubliés du siècle."

"Bravo Annie, quel grand jour pour la littérature de combat", a posté l'écrivain Edouard Louis sur Instagram, un auteur dont le parcours a une certaine similarité avec celui de la lauréate.

Pour Jean-Luc Mélenchon, chef de file de la France Insoumise, un des premiers à réagir: "Annie Ernaux, Nobel de littérature. On en pleure de bonheur. Les lettres francophones parlent au monde une langue délicate qui n'est pas celle de l'argent."

"En elle tant de femmes se reconnaissent"

"Quelle joie !" écrit Aurélie Filippetti, l'ancienne ministre de la culture sur le même réseau social: "Annie Ernaux Prix Nobel de littérature pour avoir ciselé la matière biographique en art du récit et dit la violence sourde des classes sociales, la domination masculine, la honte et la passion ou la mort des proches. En elle tant de femmes se reconnaissent."

L'année dernière, le prix Nobel de littérature avait été décerné à l'écrivain tanzanien Abdulrazak Gurnah. L'année précédente, la poétesse américaine Louise Glück avait reçu cette distinction.

Le prix Nobel de littérature est considéré comme la distinction littéraire la plus prestigieuse au monde. Cette année, 233 candidats figuraient sur la liste longue du prix - les noms qui en font partie sont tenus strictement secrets chaque année.

France, pays le plus primé

Alors que les principaux pays occidentaux ont tous reçu plusieurs Nobel de littérature, la France continue de caracoler en tête avec 16 prix. Annie Ernaux est la 16e femme à recevoir cette prestigieuse distinction.

La Suisse ne compte qu'un Prix Nobel de littérature, décerné au poète bâlois Carl Spitteler en 1919. Il reste à ce jour le seul écrivain helvétique à l’avoir reçu, si l’on excepte Hermann Hesse, Allemand naturalisé Suisse en 1924 et lauréat en 1946.

La saison des Nobel se poursuit vendredi avec le très attendu prix de la paix, seule récompense remise à Oslo. Elle se terminera lundi avec le prix d'économie.

ats, afp

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